Effets d’une stratégie ventilatoire sur un effort max de 30" chez un Cycliste pro
- cyrilricci
- 4 déc.
- 9 min de lecture
La ventilation, pourtant porte d'entrée de l'oxygène, est souvent la grande oubliée de l’entraînement.
On parle à très juste titre de domaines d'intensité à titre descriptif, de zones de puissance à titre prescritifs, de lactates… mais très rarement de stratégies ventilatoires.
Pour autant , la ventilation à l'effort peut modifier :
la manière dont l’athlète gère la charge,
la baisse du cout énergétique
le RPE
la capacité à répéter les efforts,
et, à terme, le rendement de tout le système cardio-respiratoire.
Dans cet article, on s’intéresse au cas concret d’un cycliste pro présentant une VO₂max de 90,5 ml/kg/min
Ce dernier débutait le protocole Ventilatory Strategies & training dont je vous invite à lire les 2 études publiées à son sujet
Ricci, C., & Bouverot, Z. (2025). Effects of Respiratory Muscle Training and Ventilatory Strategies on the Performance of Professional Cyclists. Zenodo. https://doi.org/10.5281/zenodo.16645438
Ricci, C., & Bouverot, Z. (2025). Ventilatory Strategies : A New Dimension of Sports Performance. Zenodo. https://doi.org/10.5281/zenodo.17657685
Dans le cadre du protocole, il apprenait 2 stratégies de base ( qui se déclinent dans de nombreuses variantes par la suite)
Les stratétgies BEFORE et AFTER
Dans cet article nous allons précisemment observer l’impact des stratégies ventilatoires spécifiques BEFORE ET AFTER sur des efforts max de 30 secondes, réalisée selon deux conditions :
SANS stratégies
AVEC stratégies AFTER
Rappel : qu’est-ce que la VO₂max de 90,5 ml/kg/min ?
La VO₂max correspond à la consommation maximale d’oxygène qu’un athlète est capable d’utiliser par minute et par kilo de masse corporelle. C’est un indicateur clé de la performance en endurance.
Une VO₂max de 90,5 ml/kg/min signifie :
une capacité très élevée à utiliser l’oxygène,
un potentiel important sur les efforts longs et répétés à haute intensité,
une économie de course (ou de pédalage) généralement très travaillée pour atteindre ce niveau.
À ce stade, l’enjeu n’est plus simplement « d’augmenter la VO₂max », mais surtout de :
Mieux exploiter ce potentiel en situation réelle d’effort (intervalles, compétitions).
Optimiser les paramètres ventilatoires (fréquence respiratoire, volume courant, synchronisation souffle/gestuelle).
Contrer ou atténuer la cinétique de Vo2 et accélérer le retour à l'état stable
C’est là qu’intervient la stratégie ventilatoire.
Pourquoi s’intéresser à la ventilation sur des efforts de 30" ?
On pourrait penser que sur des efforts courts et très intenses, la respiration « suit » automatiquement.
En réalité :
beaucoup d’athlètes hyperventilent très vite ou à l'inverse hypoventilent car le Co2 non métabolique a une certaine latence, mais lorsqu'il est présent, il est déja trop tard
le pattern ventilatoire devient désorganisé (expiration trop courte, inspiration hachée),
la sensation d’essoufflement augmente plus vite que nécessaire,
la récupération entre les répétitions est moins efficace.
Sur des efforts de 30 secondes max, en particulier chez un athlète à VO₂max 90,5, on cherche à atteindre très rapidement une haute fraction de Vo2 max, celle correspondant à la puissance de sortie, tout en gardant une ventilation maîtrisée, assurant à la fois un cout énergétiquie ventilatoire optimal et une pression partielle en Co2 la plus contenable possible et en facilitant le retour au calme relatif dans les phases de récupération.
Stratégie ventilatoire : principes utilisés
Sans entrer dans le secret de l’athlète, la stratégie ventilatoire mise en place repose sur quelques grands principes applicables à beaucoup de sportifs :
BEFORE
Ne pas attendre d’être en dette d’air pour respirer fort.
L’athlète apprend à pré-activer sa ventilation juste avant l’effort pour en partie contrer les aspects limitants de l'effort à effectuer
DURING
Mise en place d’une Rf adaptée à l'effort capable de s'ajuster avec la réalité des métabolites générés
AFTER (30s après l'effort)
Pendant la récupération, au lieu de « subir » l’essoufflement, l’athlète utilise un pattern ventilatoire précis pour revenir plus vite à un état stable d'acide base.
Protocole et variables mesurées
Sur la séance du 21‑nov‑25, l'athlète à réalisé 6 séries de 30" d'efforts SUPRA alternés avec des 2'30" de récupération.
Les variables analysées :
VO₂ (mL·kg⁻¹·min⁻¹ et mL·min⁻¹)
Fréquence cardiaque (HR, bpm)
Puissance (W)
Ventilation minute (Ve, L·min⁻¹)
Fréquence respiratoire (Rf, bpm)
Volume courant (Tv, L)**
SmO₂ (%) : saturation musculaire locale
THb (a.u.) : teneur en hémoglobine (volume sanguin local)
EqO₂ : équivalent ventilatoire en O₂
FeO₂ (%) : fraction expirée en O₂
Résultats bruts


Comparaisons clés et interprétation
Cinétique et niveau de VO₂ sur les SUPRA (“before”)
Si on regarde les **VO₂ moyens sur les efforts SUPRA** :
Without strategies
- Moyenne VO₂ SUPRA ≈ 59,8 mL·kg⁻¹·min⁻¹
- Puissance moyenne SUPRA ≈ 580,7 W
With strategies
- Moyenne VO₂ SUPRA ≈ 75,2 mL·kg⁻¹·min⁻¹ (64,3 → 74,1 → 83,1 → 79,3)
- Puissance moyenne SUPRA ≈ 586,6 W
Donc, à puissance très comparable, l'athlète monte beaucoup plus haut en VO₂ avec les stratégies, en se rapprochant nettement de ta VO₂max
On peu t en déduire que :
1. La cinétique de VO₂ est plus rapide, permettant une élévation plus précoce et plus efficace de la consommation d’oxygène au début ou lors des variations d’intensité,
et/ou qu’un niveau de VO₂ plus élevé est atteint pour un même domaine d’intensité, ce qui traduit une meilleure mobilisation de la capacité aérobie lors des efforts sévères.
2. Pour une même puissance élevée produite, on observe une plus grande contribution de la filière oxydative par rapport à la filière glycolitique
Concrètement, cela signifie :
- une plus grande part de l’énergie fournie par le métabolisme oxydati*,
- un moindre recours relatif à la glycolyse pour soutenir ces puissances,
- donc, à puissance donnée, une production et une accumulation d'ion d'hydrogène plus contrôlée (ou retardées).
Un tel profil physiologique est particulièrement favorable pour :
Les répétitions d’attaques
Capacité à produire des accélérations répétées à haute intensité tout en limitant la dérive lactique et en maintenant un retour rapide vers un équilibre aérobie relatif entre les accélérations.
Les bosses courtes à répétition
Aptitude à soutenir des puissances proches ou au-dessus du seuil critiquesur des durées courtes à moyennes, en conservant une forte contribution oxydative et en retardant la fatigue liée à l’acidose métabolique.
Les phases de course où l’objectif est de mettre l’adversaire en dette métabolique (“tuer le match”)
C’est‑à‑dire :
Imposer des intensités qui poussent l’adversaire à recourir massivement à sa filière glycolitique et accumuler les métabolites ....
Quand l'athlète capable d'utiliser des stratégies ventilatoires (Ventilatory Stratégies & Training) efficientes restera plus longtemps sur la filière oxydative
ce qui lui pemrettra de :
maintenir ces intensités plus longtemps,
récupérer plus vite entre les efforts,
et accumuler moins de fatigue métabolique à charge de travail égale.
Réponses ventilatoires
Sur les SUPRA With strategies :
Ve souvent plus élevée :
Without : 136,5 → 146,1 L·min⁻¹
With : 149,6 → 163,3 → 184,0 → 165,5 L·min⁻¹
Tv plus élevé (2,39–2,45 L vs 2,85–3,65 L)
EqO₂ reste dans des valeurs cohérentes (≈ 32–37), sans dérive excessive.
Nous observons donc un système ventilatoire :
qui se met plus vite au niveau
qui suit et meme accompagne l’augmentation du VO₂,
sans basculer dans une hyperventilation totalement inefficace (EqO₂ ne s’envole pas).
Récupérations 30" (“after”) : VO₂, HR, Ve
En récupération With strategies:
-VO₂ reste très haut :≈ 74–80 mL·kg⁻¹·min⁻¹,
-HR autour de 162–169 bpm (plus haut que dans le “Without”),
- Ve élevée (≈ 139–162 L·min⁻¹).
Par rapport à la condition Without strategies (VO₂ ≈ 66 mL·kg⁻¹·min⁻¹, Ve ≈ 125–128 L·min⁻¹), les récupérations sont plus efficientes :
- le clearance plus rapide des métabolites (H⁺, Pi),
- le maintien d’un débit sanguin élevé musculaire et central,
- une meilleure préparation au SUPRA suivant.
SmO₂ et THb : réponses musculaires locales
Sans stratégies
- SmO₂ SUPRA : 40,0 → 49,1 %
- SmO₂ rest : ≈ 18–19 %
- Le pattern est un peu particulier (SmO₂ plus haute sur le 2ᵉ SUPRA), possiblement lié à la fenêtre temporelle ou aux changements de recrutement musculaire.
Avec stratégies
- SmO₂ SUPRA : 44,1 → 41,2 → 36,9 → 41,2 %
- SmO₂ rest ≈ 15,7–18,1 %
Ce qu’on peut en tirer :
SmO₂ reste modérément basse en récupération (≈ 16–18 %), donc les muscles :
- restent en fort recrutement,
- gardent une extraction O₂ élevée,
ceci étant bien associée avec l’idée d'une resaturation plus rapide
THB reste très stable (≈ 13,0–13,3) entre conditions, ce qui est rassurant :
- pas de chute de perfusion locale flagrante,
- l'athtlète semble garder un **volume sanguin musculaire constant**, même à haute intensité.
En résumé : est‑ce que les stratégies ventilatoires individualisées vont dans le sens de l'objectif initial pour cet athlète ?
Oui sur le “before" :
VO₂ significativement plus haut sur les SUPRA (**+15–20 mL·kg⁻¹·min⁻¹** en moyenne),
même gamme de puissance (≈ 580–590 W),
meilleure exploitation de la filière oxydative en réduisant la cinétique de VO2.
Oui sur le “after”, d’un point de vue logique performance pour un cycliste WT :
Vo2 plus élevée, resaturation plus rapide, le muscle reste en forte extraction O₂ ,
Conclusion : comment une stratégie ventilatoire optimisée accélère la récupération
Mettre en place une stratégie ventilatoire spécifique juste avant, pendant et surtout immédiatement après un effort très intense (comme un 30" max) peut modifier de façon nette la dynamique de récupération. Les effets ne sont pas seulement “subjectifs” (on se sent mieux), ils sont aussi physiologiquement mesurables.
Les enjeux :
Meilleure gestion du CO₂ et du pH : sortir plus vite du stress ventilatoire
Après un effort max, on a :
- une forte production de CO₂ (lié au métabolisme aérobie + tamponnage des ions H⁺ par les bicarbonates),
- une acidose métabolique (chute du pH musculaire et légèrement sanguin).
Une hyperventilation chaotique et non contrôlée :
- peut faire chuter trop rapidement la PaCO₂ (hypocapnie),
- déplacer la courbe de dissociation de l’hémoglobine,
- augmenter la sensation de dyspnée et de malaise (vertiges, sensation de tête légère).
À l’inverse, une stratégie ventilatoitre guidée :
- stabilise la PaCO₂ (on évite l’hyperventilation excessive),
- permet une normalisation progressive du pH sanguin, sans chute brutale de CO₂,
- réduit la perception de panique respiratoire.
Mécanisme clé :
En modulant amplitude et fréquence ventilatoire, on régule mieux la ventilation alvéolaire → on contrôle la PaCO₂ → on limite les variations brutales de pH et on offre un environnement plus stable pour les réactions enzymatiques de récupération.
Facilitation du retour veineux et du débit cardiaque effectif
Une respiration diaphragmatique profonde post-effort agit comme une pompe mécanique :
- l’inspiration crée une pression négative intrathoracique → favorise le retour du sang veineux vers le cœur droit,
- les mouvements diaphragme–abdo–thorax augmentent le pompage veineux au niveau abdominal.
Conséquences :
- meilleure perfusion tissulaire (muscles, cerveau),
- plus grande efficacité du débit cardiaque résiduel (chaque battement devient plus utile),
- accélération de la clairance métabolite (H⁺, CO₂).
Mécanisme clé :
Respiration profonde = optimisation du couplage cœur–poumon. Le système cardio-respiratoire devient plus efficient pour “rincer” l’organisme après l’effort.
Accélération de la clairance du lactate et des métabolites
Le lactate n’est pas un déchet, c’est un substrat énergétique recyclable (lactate shuttle). Pour qu’il soit reconverti (en pyruvate, glucose, utilisé par d’autres tissus), il faut :
- un débit sanguin suffisant,
- une oxygénation correcte,
- un milieu interne (pH, CO₂) stabilisé.
Une stratégie ventilatoire structurée après l’effort :
améliore la disponibilité en O₂ (meilleur rapport ventilation/perfusion),
stabilise l’état acido-basique, ce qui favorise l’activité des transporteurs MCT (monocarboxylate transporters) impliqués dans le transport du lactate,
maintient une perfusion relativement élevée des muscles actifs.
Résultat :
- la clairance du lactate est plus rapide,
- la sensation de brûlure et de jambes “dures” diminue plus vite,
- l’athlète est prêt plus tôt pour un nouvel effort de haute intensité.
Effets sur la perception : douleur, dyspnée, charge mentale
Au-delà des marqueurs objectifs, la ventilation influence :
la perception de la douleur musculaire (via modulation des voies nociceptives et du système limbique),
la perception de la dyspnée (sentiment d’étouffement, urgence à ventiler),
la charge mentale post-effort (sentiment de perte de contrôle, anxiété, stress brutal).
Une stratégie ventilatoire individulaliséeet contextualisée
agit comme un ancrage attentionnel (on sort du “panic mode”),
réduit l’activation de l’axe hypothalamo–hypophyso–surrénalien (moins de cortisol/libération prolongée de catécholamines),
améliore la tolérance à l’inconfort et à la douleur liée à l'accumulation des ions H+
Mécanisme clé :
Couplage fort entre respiration, système limbique et cortex préfrontal : en contrôlant la respiration, on module l’état émotionnel, ce qui influe indirectement sur la perception de la récupération.
Synthèse générale
Une stratégie ventilatoire optimisée après un effort de 30" max permet donc :
sur le plan cardio-vasculaire :
reprise plus rapide du contrôle parasympathique,
chute plus efficace et mieux contrôlée de la FC,
amélioration du retour veineux.
sur le plan ventilatoire et gazeux :
meilleure régulation de la PaCO₂,
stabilisation plus progressive du pH,
réduction de la dyspnée inconfortable.
sur le plan métabolique :
optimisation de la clairance du lactate et des H⁺,
conditions plus favorables au “recyclage” métabolique.
sur le plan neurovégétatif et perceptif :
re-basculage plus rapide vers un état parasympathique,
baisse de la sensation de stress et de surcharge,
impression subjective de récupération “plus propre” et plus contrôlée
les propos de l'athlète :
"sans stratégie, c'est dur vers 11-12", avec la stratégies, j'ai l'impression qu ce point arrive plus vers 18-19"; et en récup, je me sens mieux plus vite et plus stable, moins impacté mon mon effort suivvant"
En résumé :
Les stratégies ventilatoires du protocole Ventilatory Strategies & Training calibrées, contextualisées et indivudualilsées avant et après un effort maximal ne sont pas un détail “bien-être”, c’est un VERITABLE levier neuro-cardio-métabolique majeur qui accélère la récupération, améliore la tolérance à l’effort suivant et, à terme, peut meme contribuer à une meilleure adaptation à l’entraînement.



